Chaque annĂ©e, les chiffres tombent, et chaque annĂ©e, ils suscitent le mĂȘme malaise. En 2023, 2 046 754 animaux ont Ă©tĂ© utilisĂ©s dans des expĂ©riences scientifiques en France, selon le dernier rapport publiĂ© par le ministĂšre de lâEnseignement supĂ©rieur et de la Recherche. Ce chiffre reprĂ©sente une baisse de 3,8 % par rapport Ă 2022, soit 81 304 animaux de moins. Une diminution timide, que les associations de dĂ©fense animale jugent largement insuffisante.
La souris, cobaye numéro un
Sans surprise, la souris reste lâanimal le plus utilisĂ© en laboratoire, reprĂ©sentant 68 % des expĂ©rimentations, soit 1 387 275 individus. Suivent les lapins (9 %, 178 147), les rats (7 %, 145 078), et les poissons toutes espĂšces confondues (8 %). Ces chiffres rappellent Ă quel point lâexpĂ©rimentation animale reste massive, malgrĂ© les progrĂšs annoncĂ©s dans les mĂ©thodes alternatives.
Des procĂ©dures âlĂ©gĂšresâ⊠mais pour qui ?
Le rapport du ministĂšre prĂ©cise que 87 % des expĂ©riences relĂšvent dâune gravitĂ© « modĂ©rĂ©e ou lĂ©gĂšre », contre 9,3 % classĂ©es « sĂ©vĂšres », et 3,2 % dites « sans rĂ©veil » (câest-Ă -dire oĂč lâanimal ne se rĂ©veille pas aprĂšs lâanesthĂ©sie). Une amĂ©lioration apparente, puisque les procĂ©dures sĂ©vĂšres Ă©taient plus nombreuses en 2022 (11,5 %).
Mais pour lâONG One Voice, ces chiffres sont Ă prendre avec des pincettes.
âLe seuil des 2 millions dâanimaux est une nouvelle fois franchi. Et si une baisse est observĂ©e, elle est si faible quâil nây a guĂšre de quoi sâen rĂ©jouirâ, dĂ©clare lâassociation.
Une classification floue et inquiétante
One Voice met aussi en cause la qualitĂ© de lâinformation transmise par les autoritĂ©s. Selon elle, la catĂ©gorie « modĂ©rĂ©e » tend Ă devenir un « fourre-tout », rendant difficile une Ă©valuation juste de la souffrance animale rĂ©elle.
âEn combinant les procĂ©dures modĂ©rĂ©es et sĂ©vĂšres, on dĂ©passe toujours le million dâanimaux concernĂ©s (1 006 458).â
Ce flou statistique interroge sur le manque de transparence de certaines pratiques, mais aussi sur la volontĂ© rĂ©elle de la France Ă se dĂ©tourner de lâexpĂ©rimentation animale.
Un retard éthique et scientifique ?
Alors que trois quarts des Français se disent favorables Ă la fin de lâexpĂ©rimentation animale, la France peine Ă sâengager rĂ©solument vers des mĂ©thodes alternatives plus Ă©thiques, telles que les cultures cellulaires, les organoĂŻdes ou les modĂ©lisations in silico.
One Voice appelle Ă âun changement de cap immĂ©diat vers une science sans cruautĂ©â, et dĂ©nonce le manque dâinvestissements massifs dans la recherche de solutions substitutives. LâONG rappelle que plusieurs pays europĂ©ens ont dĂ©jĂ adoptĂ© des mesures plus ambitieuses pour rĂ©duire, voire Ă©liminer, lâusage des animaux dans la recherche.
Vers une vraie transition scientifique ?
Ce rapport relance un dĂ©bat de fond : la souffrance animale peut-elle encore ĂȘtre tolĂ©rĂ©e au nom de la science ? Et surtout, est-elle toujours nĂ©cessaire Ă lâavancĂ©e de la recherche mĂ©dicale et scientifique ?
Des progrÚs sont possibles, et des alternatives existent. Encore faut-il en faire une priorité politique, éthique et budgétaire.