Au cĆur du parc animalier de BranfĂ©rĂ©, dans le Morbihan, une mĂ©lodie inhabituelle sâĂ©lĂšve au-dessus des enclos. Guitare en main, un musicien entonne Ho Hey du groupe The Lumineers, sous le regard attentif… dâun okapi. Non, ce nâest pas une scĂšne de comĂ©die musicale animaliĂšre, mais bel et bien le dĂ©but dâune expĂ©rience scientifique unique en Europe : mesurer la rĂ©action de certaines espĂšces animales face Ă la musique en live.
đ¶ Une Ă©tude inĂ©dite au carrefour de lâĂ©thologie et de lâart
Depuis mardi, et pour deux mois, le parc de BranfĂ©rĂ© mĂšne une expĂ©rience scientifique rigoureuse en partenariat avec des chercheurs de lâuniversitĂ© de Nanterre. Le but ? Comprendre comment les animaux rĂ©agissent Ă la musique : est-elle source dâapaisement, de stress, dâindiffĂ©rence ? Les rĂ©ponses sont encore floues, mais les premiers tests Ă©veillent dĂ©jĂ curiositĂ© et sourires.
PlutĂŽt que de simplement diffuser des enregistrements, les responsables du parc ont choisi une approche plus sensible : faire intervenir de vrais musiciens pour jouer en direct face aux animaux. « On dit que la musique adoucit les mĆurs⊠mais est-ce vrai aussi chez les animaux ? » sâinterroge Alexandre Petry, Ă©thologue et directeur scientifique du parc.
đŠ Okapi, siamangs, grues⊠des rĂ©actions aussi variĂ©es que les espĂšces
Lors de la premiĂšre session, câest lâokapi â cette Ă©trange « petite girafe zĂ©brĂ©e » â qui donne le ton. DĂšs les premiĂšres notes, lâanimal fixe le musicien, captivĂ©, avant de se dĂ©tourner calmement et regagner lâombre de son enclos. Pas de panique, mais pas de standing ovation non plus.
Les siamangs, quant Ă eux, ont offert une rĂ©action bien plus expressive : agitĂ©s, bras en lâair, ils dansent un instant devant le musicien⊠avant de tourner le dos et, visiblement peu touchĂ©s par le morceau, laisser tomber un long Ă©tron juste devant lâartiste. Simple coĂŻncidence ou dĂ©sapprobation musicale ? Impossible Ă dire, rĂ©pond lâĂ©thologue. « Il faudra rĂ©pĂ©ter lâexpĂ©rience, et lâanalyser en profondeur pour en tirer des enseignements fiables. »
đ€ Un protocole strict pour des donnĂ©es exploitables
Chaque sĂ©ance suit un protocole scientifique prĂ©cis : cinq minutes dâobservation silencieuse avant le concert, sept minutes de musique live, puis cinq minutes dâobservation post-performance. Toutes les interactions sont filmĂ©es pour ĂȘtre ensuite analysĂ©es par les Ă©quipes de Nanterre.
Pour ce lancement, câest le chanteur Plumes qui a ouvert le bal. HabituĂ© des « concerts animaliers » â quâil donne depuis trois ans Ă travers la France, de la ferme Ă la savane en passant par les enclos â, il connaĂźt bien les caprices du public Ă quatre pattes. « Parfois, il ne se passe rien. Dâautres fois, câest magique. Mais ce sont toujours des moments forts », confie-t-il.
đ Musique, Ă©motions et communication animale
Plumes ne joue que des chansons dâamour, pour leur douceur et leur potentiel Ă©motionnel. Perfect dâEd Sheeran a attirĂ© une grue couronnĂ©e et une grue du paradis, visiblement curieuses. Les wallabies, plus rĂ©servĂ©s, sont restĂ©s Ă distance. « Lâinstinct animal », comme le chantaient les Cranberries.
Deux autres artistes sont attendus dans les semaines Ă venir, guitare ou harpe Ă la main, pour continuer lâĂ©tude. Lâobjectif final : explorer le lien possible entre la musicalitĂ© humaine et la sensibilitĂ© animale.
« Dans la nature, certaines espĂšces ont de vraies stratĂ©gies vocales, des rythmes bien Ă elles », rappelle Alexandre Petry. « Mais lâĂ©thologie est une science de patience. »
đż BranfĂ©rĂ©, un parc pas comme les autres
Depuis son ouverture en 1985, le parc animalier de BranfĂ©rĂ© se veut un laboratoire vivant, mĂȘlant bien-ĂȘtre animal, sensibilisation environnementale et expĂ©rimentation scientifique. Des expĂ©riences prĂ©cĂ©dentes ont dĂ©jĂ portĂ© sur le comportement social, lâenrichissement sensoriel ou encore lâimpact du public sur les espĂšces sensibles.
Mais jamais, jusquâici, on nâavait chantĂ© du Bobby McFerrin au milieu des wallabies, ni testĂ© les bienfaits de Donât Worry, Be Happy sur une grue du paradis. Une chose est sĂ»re : Ă BranfĂ©rĂ©, la science avance… au rythme de la guitare.
đ En rĂ©sumĂ©
- đ¶ Objectif : Ătudier scientifiquement lâimpact de la musique live sur les animaux
- đŸ MĂ©thode : Interventions de musiciens en face des animaux, protocole vidĂ©o strict
- đ§ Recherche menĂ©e avec lâUniversitĂ© de Nanterre
- đ€ Premiers artistes : Plumes, bientĂŽt rejoints par dâautres musiciens
- 𧏠Enjeu : Mieux comprendre la perception émotionnelle et sensorielle des espÚces animales